Dans la droite ligne de sa communication agressive et « politique », Michel Edouard Leclerc nous offre (cliquez ici) une nouvelle publicité réclamant le droit de vendre dans ses parapharmacies, au prix Leclerc, les médicaments à prescription facultative (et non-remboursés lorsqu'ils sont achetés sans prescription). Entre parenthèses, pour ajouter ma petite pierre sur le débat entre l'inné et l'acquis, on peut juste dire que Michel-Edouard Leclerc est bien le fils de son père qui avait réussi à remettre en cause le monopole des pétroliers dans la distribution d'essence dans les années 70 et à ouvrir la parapharmacie dans les années 80 après une bataille contre les pharmacies de secteur.
Sa publicité a été diffusée sur TF1 et M6, malgré l'avis défavorable de Bureau de Vérification de la Publicité. Un avis non confirmé par le CSA qui est le véritable décideur en dernier ressort. On découvre ici encore l'utilité de tous ces comités Théodule qui s'empilent, pour rendre des avis consultatifs contradictoires qui permettent à tout le monde de passer outre, s'ils le veulent vraiment. En ces temps de RGPP, il ne serait pas étonnant de voir le BVP (oh joie des acronymes) disparaitre ou être refondé...
Revenons-en à Leclerc et sa pub sur les médicaments. Il propose de vendre les médicaments non-remboursés 25% moins chers qu'en pharmacie à la condition que le gouvernement ouvre ce marché à de nouveaux acteurs. Ce qui est loin d'être fait, R.Bachelot ayant écarté cette option au début de l'année. Ça c'est le message premier, mais ce qui est réellement intéressant dans cette pub, c'est de trouver les messages cachés qui en disent bien plus long sur les objectifs de Leclerc. J'en ai trouvé quatre :
Tout d'abord, et très classiquement, le message qui passe est le message traditionnel de Leclerc « qui c'est qu'est le moins cher, c'est Leclerc ! » qui est plutôt bien adapté à l'air du temps. Sans parler direc tement de ses concurrents, il arrive à rappeler que les prix Leclerc sont les plus bas. Jusque là rien de très compliqué et ce n'est que la suite de toute sa communication depuis des années (son site de comparaison des prix, ses slogans sur le pouvoir d'achat...).
Puis, le message envoyé à la société est que la grande distribution n'est pas la seule responsable de l'inflation et de la perte de pouvoir d'achat. Il y a un détournement de l'attention de la situation quasi-monopolistique de la grande distribution vers les autres pratiques limitant la concurrence et donc responsables de la hausse des prix. Cela avait déjà assez bien marché avec le déréférencement de 6 produits (dont la célèbre Vache qui rit par 12...) qui avait permis de dire que la hausse des prix, c'est autant les industriels que la grande distribution à un moment où les critiques étaient concentrées sur la première.
Ensuite, l'objectif de cette pub n'est pas de s'adresser aux consommateurs mais de faire pression sur le législateur au moment où la Loi de Modernisation de l'Economie va arriver devant les parlementaires. Cette loi s'annonce quelque peu dure pour la grande distribution avec plus de concurrence et donc une remise en cause de la rente des grandes enseignes. Le message est le suivant : le pouvoir d'achat, Leclerc n'a pas attendu le gouvernement pour le défendre et ce n'est pas qu'avec plus de concurrence qu'on fait baisser les prix mais aussi avec Leclerc. Donc messieurs les politiques, il n'y a donc pas de raison de faire une loi trop dure...
Enfin, le dernier message est de dire au gouvernement : vous voulez faire baisser les prix avec plus de concurrence chez les distributeurs, très bien mais regardez aussi les produits comme les médicaments. Si vous nous ouvrez ce secteur, ça fera baisser surement les prix (ce qui est bon pour vous) et au passage, la pilule de la LME sera plus facile à accepter pour la grande distribution. Une sorte de donnant-donnant : plus de concurrence dans la grande distribution donc des prix plus bas mais un nouveau marché qui nous permettra de garder nos profits...
Chapeau à Leclerc pour cette pub qui est un exemple de publicité, d'influence, de lobbying. Le tout accompagné de marketing viral (buzz) car en étant refusée par le BVP, il savait très bien que l'attente serait encore plus grande et donc que son message serait repris, amplifié et ouvrirait un débat. Chapeau également car l'action de Leclerc même intéressée, fera effectivement baisser de 25% les prix de ces médicaments. Reste maintenant à trouver d'autres personnes pour s'attaquer aux autres rentes et ainsi libérer la France de ces corporatismes.