«Survivre avec les loups» : l'éditeur présente ses excuses
Valérie Sasportas
Figaro.fr
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Après avoir avoué dans nos colonnes que son best-seller était pure invention, Misha Defonseca provoque la déception de Bernard Fixot et de la cinéaste Véra Belmont.
Ils lui en veulent «un tout petit peu», mais se sentent surtout «très tristes», depuis qu'ils ont appris la nouvelle du mensonge de Misha Defonseca révélé, vendredi matin, par Le Figaro. Bernard Fixot, l'éditeur français de son récit vendu à près de 200 000 exemplaires (XO Éditions), et Véra Belmont, la réalisatrice du film Survivre avec les loups , qui a totalisé plus de 540 000 entrées en France, avaient pourtant «cru», malgré «des invraisemblances», à son autobiographie racontant l'épopée, en 1941 à travers l'Europe, d'une fillette juive de 8 ans sauvée par une meute de loups.
«Misha a menti, mais son histoire n'est pas moins incroyable que celle de ces gens d'un héroïsme extraordinaire revenus des camps», l'excuse l'éditeur, qui hésitait encore hier entre insérer un rectificatif dans le livre ou bien le retirer carrément de la vente. «J'ai beaucoup de chance d'être à ma place et non à celle de Misha, qui a dû vivre toute sa vie avec ce lourd secret», confiait-il juste après avoir raccroché avec l'auteur. Bernard Fixot reconnaît avoir une part de responsabilité «envers les enfants juifs qui ont été déportés» et «présente de plates excuses à ceux qui y ont cru».
Véra Belmont, «déçue», tente une explication : «Elle s'est approprié cette histoire comme un garde-fou pour ne pas sombrer.» Elle ne se sent pas responsable. «Ses parents ont bien été déportés», ajoute-t-elle. Et cela est important pour la cinéaste qui avait, enfin, à travers ce qu'elle croyait être un témoignage, «trouvé l'angle pour parler aux enfants de la Shoah». Fait son «devoir de mémoire».
Le souvenir d'une histoire
Pas question de retirer le film des salles, affirme Mathieu Piazza, responsable de la promotion chez Bac Films Production. «Ce conte tragique reste un bel exemple de courage et de persévérance contre l'adversité. C'est Mowgli chez les nazis !» Seulement, la mention « D'après l'histoire vraie» va être retirée du générique du film, qui est toujours à l'affiche avec Yaël Abecassis, Guy Bedos et Michèle Bernier. Exit aussi la petite phrase en épilogue : Tous les matins, Misha allait à la mairie voir s'il y avait des nouvelles de ses parents.» Pas de changement annoncé, en revanche, quant à la diffusion du film à l'étranger. La réalisatrice précise d'ailleurs qu'il n'a encore pas été question de le projeter en Allemagne.
Pour le psychiatre Serge Tisseron, auteur de Virtuel, mon amour (Éditions Albin Michel) : «La confidence de Misha Defonseca nous trouble tous pour deux raisons : nous pouvons tous nous raconter des histoires et être tentés d'y croire. Et cela pose une grave question sur le statut du récit, du témoignage, de la vérité. Misha n'est pas un escroc, analyse le médecin. En psychanalyse, on parle de personnalité clivée.»
Selon lui, cette histoire, elle ne l'a probablement pas inventée adulte. «Pour survivre à une situation traumatique, quand elle s'entend traiter de fille de traître parce que son père aurait parlé sous la torture, la fillette de 4 ans s'est raconté une histoire héroïque. Devenue adulte, elle a raconté le souvenir de cette histoire, comme si elle l'avait vécue pour de vrai. Ce qui se passe maintenant doit la soulager.» Une véritable catharsis.