Après plusieurs spectacles entre comédie musicale et lyrique, l'acteur sort son premier album pop, « Loin ».
« Je n'ai pas écouté tous les conseils qu'on a bien voulu me donner, mes parents, mes agents... » Lambert Wilson se résume volontiers en garçon mal obéissant. « Je n'en ai fait qu'à ma tête et ma tête s'intéresse à pas mal de choses. Je n'ai pas envie d'être dans la peau de tout le monde, d'être gardien de la paix ou homme politique, mais j'avais envie de faire ce disque comme de faire du théâtre ou de mettre en scène au cinéma. » Ce disque s'appelle Loin.
On sait depuis très longtemps qu'il sait chanter mais, cette fois-ci, il a conscience d'aller plus loin que jamais par la voix. « Je jubile parce que je n'ai pas d'étiquette. J'ai eu un jour une conversation avec un producteur de cinéma qui me disait qu'après m'avoir vu dans Rendez-Vous de Téchiné, il m'avait entendu chanter du Mozart dans une émission d'Eve Ruggieri et que ça lui posait un problème de perception de cet acteur-là. Ça. Je suis sûr que maintenant, en assumant un disque de chansons, je vais m'interdire l'accès à certains metteurs en scène. »
Car, après avoir précédemment rendu visite aux grands standards américains, baguenaudé dans la comédie musicale ou chanté Candide de Leonard Bernstein, dans la mise en scène de Robert Carsen au Châtelet et à la Scala de Milan, Lambert Wilson sort, à quarante-neuf ans, son premier disque de chanson française. « On dit»pop* quand on veut faire bien, on dit»variétés* quand on en a le courage. »
Une voix sans trucage
Loin (chez Virgin Classics) est un album au romantisme soyeux, aux tendres allures pop acoustiques. Un disque entre Rubber Soul et bossa-nova, entre rêverie des regrets et sourire d'amour complice, entre soleil au salon, le dimanche matin, et minuit sage dans la chambre à coucher. Réalisateur de l'album, compositeur, arrangeur, bassiste, guitariste, Jean-Jacques Sage l'a aussi accompagné dans la recherche vocale. « Il m'a fait trouver ma voix sans trucage de style. Comme acteur, j'ai l'habitude de m'adapter. Je peux avoir une voix de comédie musicale avec un vibrato très américain, très régulier, très standardisé. Je peux barytonner et me rapprocher de la voix dont on a besoin pour chanter Pelléas, s'il le faut. Je peux même chanter du Sting, éventuellement. Jean-Jacques a essayé de me faire accoucher d'une voix moderne, pop, de ne pas m'embarquer dans la déclamation. »
Son album est tout à la première personne, mais écrit par un collectif d'auteurs qui ont manifestement travaillé sur mesure : Boris Bergman, Marie Nimier, Marc Estève, Christophe Mali, un texte exhumé d'Hervé Guibert...
Et puis il y a Trop tard, première chanson écrite par Lambert Wilson, mais surtout première oeuvre personnelle, dans quelque domaine que ce soit, qu'il présente au monde. « La seule chose qui me fait rougir, assure-t-il. Je la trouve très embarrassante, très lycéenne, très basique. Elle est touchante parce que c'est un cri tardif d'adolescent qui dit : vous ne m'avez pas compris, je n'ai plus envie de plaire, laissez-moi être qui je suis... Mais ce sont des choses qu'on écrit à 18 ans, pas à 49. Or je ne l'avais pas écrite avant. C'est l'action la plus exposée qu'il m'est arrivé de vivre : mettre sur un bout de plastique trois minutes d'écriture. J'ai chanté devant 5 000 personnes à Montreux, 3 000 à la Scala, j'étais protégé. Mais dire que Lambert Wilson assume la signature de ce petit bout de... Ça fait très peur. »