FRANCOFOLIESGreco l'immortellePhilippe Rezzonico
28-07-2007 | 21h53
Plus de 1000 chansons enregistrées en studio ou sur scène, plus de 100 auteurs qui ont marqué le siècle, plus de 60 années de carrière, mais une seule Juliette. Gréco, cela va sans dire…
La légendaire muse de Saint-Germain- des-Prés reviendra nous voir pour notre plus grand plaisir samedi prochain, afin d’offrir le concert de clôture des 19es FrancoFolies de Montréal. Si on s’attend à ce qu’elle se présente sur scène drapée de sa robe noire légendaire et qu’elle nous offre immortelle après immortelle, Juliette Gréco est plus qu’une chanteuse, qu’une interprète et l’amie des Prévert, Ferré, Brel, Gainsbourg, Sartre, Vian et consorts.
Cette dame est autant une encyclopédie vivante de la chanson française qu’une femme éprise de liberté et de justice sociale. Dans Le Temps d’une chanson, son nouveau disque, il y a des chansons d’une beauté à couper le souffle, mais ce n’est pas tant un disque qu’un véritable résumé d’intention de la carrière de Juliette Gréco.
«Pour cet album, j’ai voulu choisir des chansons significatives à mes yeux et des chansons que je n’avais jamais pris le temps d’enregistrer. Donc j’ai pris celles qui comptaient vraiment pour moi, ce qu’il y avait de plus fort.»
LA MUSE
Parmi ces titres, on retrouve La Folle complainte, de Trenet, que Gréco dédie à son grand-père; Mathilde, de son pote Brel, même si ce n’est pas une chanson de femme; ainsi que La Chanson de Prévert, de Gainsbourg, que le grand Serge avait écrite pour la dame interprète, commeil l’avait fait avec La Javanaise, qui sera partagée le 4 août prochain sur la scène du théâtre Maisonneuve par Gréco et Diane Dufresne.
«Serge était venu m’apporter ce chef d’oeuvre, mais je chantais déjà Les Feuilles mortes (de Prévert). Je n’ai jamais enregistré ni chanté La Chanson de Prévert. Serge en a été fort mécontent.»
Dans le livret, Gréco explique ses intentions et moult anecdotes qui, plus que n’importe quel ouvrage biographique littéraire, nous révèlent la femme qu’elle est.
Le texte des Amants d’un jour avait bouleversé Gréco, alors qu’elle était à la résidence de Marguerite Monnot, au milieu des années 1950, penchée sur le piano de la compositrice qui travaillait les arrangements de la chanson de Michel Senlis et Claude Delécluse.
«Si je vous donne ça, Édith Piaf me tue», avait répondu la dame à la demande de Gréco de se l’approprier. C’est fait cinquante ans plus tard.
LA BATTANTE
On connaissait l’histoire d’Utile, quand Gréco a été sommée de quitter le Chili de l’ère Pinochet pour avoir rencontré le peuple bafoué par le dictateur. En revanche, on avait oublié que la jeune Juliette, âgée de 16 ans en septembre 1943, avait osé chanter au mépris de sa vie Over the Rainbow sur la place Saint-Sulpice de Paris, durant l’Occupation allemande. À l’époque, les chansons américaines étaient interdites sous peine d’exécution.
«Ça, c’est la grande force de la jeunesse qui vous permet de faire de telles choses, dit-elle. Heureusement, je serais capable de refaire la même chose aujourd’hui. C’est à ce moment que la chanson prend tout son sens et sa force pour mener à quelque chose que le temps ne peut effacer. Contrairement à l’image populaire, les contours des choses et des événements deviennent plus précis plus le temps passe. Immuables.»
L’AMOUREUSE
La chanson d’amour, Juliette Gréco l’a déclinée sous toutes ses formes,mais elle a ses préférences. «Il faut que ce soit des mots puissants, de l’amour somptueux, pas des textes gna-gna-gna (fou rire du journaliste). Il faut que ce soit l’amour tambour, dévastateur et magnifique.»