MICHEL SARDOU. -- Le chanteur populaire passait hier soir à la Patinoire de Bordeaux. Pour un show plutôt sobre qui explore surtout son répertoire récent et son dernier album, « Hors format »
Le fils terrible revient en père tranquille:
Serge Latapy
La dernière fois que Michel Sardou faisait le coup de l'ultime tournée avant la retraite, c'était en 2001. Quelques retours en fanfare et deux albums plus tard, revoilà le chanteur populaire à Bordeaux, pour un avant-dernier adieu (1) ... Qu'est-ce qui a changé cette fois ? Eh bien, le jeune Sardou a eu 60 ans, et semble presque l'assumer. La silhouette s'est un peu épaissie, le harnais blanchi et la gestuelle encore éclaircie. Une main libre qui soupèse les paroles, une moue boudeuse qui les commente : le chanteur, qui n'a jamais été une bête de scène, ne fait même plus semblant de faire le spectacle. Toute l'énergie est pour la voix, toujours claire et virile, et presque aussi forte qu'avant elle ne semblera peiner que dans les moments les plus épiques. Derrière lui, les musiciens n'en font jamais trop, pour ne pas gâter le style.
Ironie. Côté dispositif, on devine que, sans faire dans le minimalisme (six musiciens rock, un quatuor à cordes féminin, cinq choristes, quelques lumières tape-à-l'oeil), Sardou a voulu trancher avec les shows à l'américaine d'antan. Seuls les arrangements, les tailleurs et les permanentes des choristes rappellent les années 1980, époque des derniers gros tubes. Pour le reste, l'homme a choisi de jouer son répertoire contemporain et de défendre son dernier album, « Hors format » : des morceaux que l'on n'a guère entendu sur les ondes, repris par une petite minorité de fans. La démarche est honnête, mais n'a pas de quoi soulever un parterre sagement assis, et qui n'a guère d'occasions de se lever, sauf sur quelques reprises lyriques, dont les intarissables « Lacs du Connemara ».
Avant cela, Michel Sardou aura renoué avec son public et ses succès passés, le temps d'une séance flash-back rondement menée. Seul, accompagné par la salle, il est revenu sur quelques-uns de ses tubes, de la « Maladie d'amour » à la « Femme des années 80 ». L'épisode lui a fourni également l'occasion de se moquer, avec une ironie presque sincère, des personnages qu'il a pu incarner en quarante ans de carrière : celui de « jeune con », de « misogyne » et de « chanteur de droite ». Aujourd'hui, semble-t-il dire, les coups de gueule et la politique ne l'intéressent plus. Michel Sardou est peut-être enfin devenu, à contre-courant et finalement « hors format », un chanteur de variété ordinaire.
(1) Michel Sardou reviendra en concert à la Patinoire de Bordeaux le jeudi 13 décembre. Tél. 05.56.48.26.26.