Saga - Un « lâcher de Sardou ! »
en cette rentrée, les Sardou père et fils tirent groupés. Sur scène et dans les librairies, ils perpétuent une dynastie vouée au spectacle.
Anna Bitton
« C'est vrai qu'on dirait le clan des Siciliens ! Ce n'est pas de ma faute, c'est le hasard du calendrier », plaide avec ravissement Michel, le père. « Un lâcher de Sardou », reconnaît Davy, le fils comédien, 30 ans. « C'est un peu difficile de s'éviter », badine Romain, le fils romancier, 34 ans. Les deux premiers se donnent la réplique sur les grands boulevards, dans « Secret de famille » (1), à partir du 1er octobre. Le troisième a sorti, fin août, son 4e roman, « Délivrez-nous du mal » (2), best-seller annoncé, comme les précédents... Partout, on les réclame tous les trois, parce que la photo est belle. Ils ne l'offriront qu'à l'ami du clan, Michel Drucker. Plus, ce serait trop, à les entendre, ce serait donner l'image d'une sorte de « commando promo ». Ce serait risquer d'être dévorés par l'esprit de famille. Une famille de saltimbanques ardents. Une famille vouée au spectacle qui, depuis des générations (eux-mêmes ne savent plus très bien combien), monte sur scène pour donner du plaisir à la France. Une lignée qui n'en finit pas de trouver son public. Parce que les Sardou, c'est d'abord cela. Le service au public. Un formidable atavisme. Généreux et fructueux. « Je crois que c'est une bonne pièce mais je touche du bois, parce que, regardez : il n'y a personne ! » minaude Michel, cigarette à la bouche, rosette à la boutonnière, en désignant les fauteuils vides du Théâtre des Variétés, un après-midi de répétition. « Je veux être à portée de public », expose-t-il. Davy, lui, « gonflé à mort » (dixit son père), a envie de tous les publics : théâtre, télé, cinéma. Même Romain, le romancier de la dynastie, assure « écrire comme on joue : face à mon public ! ». Qu'ils chantent, déclament ou écrivent, les Sardou ont le divertissement dans le sang. « Divertir, je ne fais que cela , certifie Romain. Je ne cherche pas à finir à l'Académie. » S'ensuit l'apologie de la littérature dite populaire. « Elle est au début de tout », proclame cet autodidacte, qui se félicite de « la fin du totalitarisme du roman intello ». Vulgariser sans vulgarité. C'est cela, leur secret de famille. Leur vocation. Leur hérédité artistique. « Heureusement qu'on ne joue pas "Le roi Lear", on en aurait bavé ! » gronde la voix de Michel Sardou, dans les travées rouge sang du théâtre, entre deux filages. Cet « anarchiste conservateur » (sic) qui revendique la gouaille des faubourgs et appelle les filles « poupée » se réjouit de jouer une comédie « moralement incorrecte », selon lui. « Au-dessus du vaudeville, mais pas au-dessous de la ceinture », jubile le copain de Sarkozy. Il n'y a pas d'amant dans le placard mais un père qui est l'amant de la femme de son fils et, peut-être, le père de son petit-fils. Vous suivez ? Mais quand un test de paternité révèle à son personnage qu'il n'est pas le géniteur de l'enfant, Sardou-le-Macho a quelque peine, lors des répétitions, à afficher le soulagement requis par les didascalies. « La déception existe, que tu le veuilles ou non », rétorque-t-il (dans un réflexe alexandrin !) à l'auteur, Eric Assous. Lequel, pourtant, lui a écrit une pièce sur mesure, à la demande de Davy.
Si fier
« Mon angoisse, c'est d'être le père qui emmène le fils , martèle Michel Sardou. Là, c'est l'inverse ! Davy m'a fait le cadeau d'une belle pièce. » Le chanteur avait envie de revenir au théâtre. Son comédien de fils venait de faire la connaissance d'Assous. « Tu n'aurais pas quelque chose pour mon père ? » Assous ne se le fait pas demander deux fois. Il écrit « en pensant à Michel », comme il dit. Et Michel lit, rit, souscrit. Aujourd'hui, il fait mine de n'être pas certain que la pièce ait été écrite pour lui. Et jure que le rôle du fils n'a pas échu d'emblée à Davy. Le benjamin des enfants de Michel a fait des lectures concluantes. « Tant qu'à faire, pourquoi ne pas prendre le vrai ? s'amuse Michel, qui n'a jamais joué avec son père, mais aurait bien aimé. Et puis cela apporte un petit plus à la pièce. » Davy, lui, souhaiterait parfois le faire oublier : « Ce n'est pas papa et son fiston, ce sont deux comédiens », fait-il valoir. Evidemment ! « J'ai assumé une pièce en rôle-titre sur les grands boulevards [NDLR : "Oscar"], donc je me donne la permission de m'amuser avec mon père , confie-t-il, jaloux de sa légitimité. Et malgré ça, je n'échapperai pas aux médisances. » Il a déjà goûté aux plaisirs et déplaisirs du tir groupé. En 2002, il y eut « L'homme en question ». Michel et Davy étaient sur la même affiche, mais ne risquaient pas de se donner la réplique : le fils jouait le père jeune. En même temps sortait « Pardonnez nos offenses » (3), de Romain. Et Drucker les accueillit tous... Cette fois-ci, le père a encore plus de mal à cacher son enchantement. « J'imagine mes parents qui doivent nous regarder de là-haut. Ça doit les faire marrer », commente celui qui dit « croire en Dieu quand [il] en [a] besoin ». A 61 ans, il est si fier de ses deux garçons ! Sur ses deux filles, Cynthia et Sandrine (issues d'un premier mariage), pas un mot... Quelques soupirs. Il préfère parler des deux enfants de Romain (Davy n'en a pas encore...). « Gabriel a 2 ans, on l'habille en 5 ans, il sera quarterback chez les Dolphins. Quant à Aliénor, je peux vous garantir que c'est une grande star. Elle a 4 ans et demi. A l'école, elle a déjà pris la place de la maîtresse. Ma mère est revenue ! »
1. « Secret de famille ». Théâtre des Variétés (7, bd Montmartre, Paris 2e).
2. « Délivrez-nous du mal » (XO Editions, 384 p., 19,90 E).
3. « Pardonnez nos offenses » (XO, 2002, 384 p., 19,80 E).
Romain, déjà quatre romans
Le dernier-né de Romain Sardou, « Délivrez-nous du mal » (XO Editions), est un thriller médiéval qui s'inscrit dans la lignée du premier livre du jeune homme, « Pardonnez nos offenses » (2002). Biberonné aux romans populaires du XIXe siècle, fervent défenseur d'une littérature d'évasion, il confirme sa générosité en matière d'assassinats commandités, de complots politico-religieux et de rebondissements spectaculaires. Une imagination foisonnante qui se développe sur un solide terreau documentaire, le trentenaire se montrant intarissable sur le XIIIe siècle. « C'est une époque qui va à l'encontre des clichés sur le Moyen Age, durant laquelle l'oeuvre d'Aristote refait notamment surface. » Le romancier a plusieurs intrigues en tête pour prolonger cette série de fictions historiques aux titres empruntés au « Notre-Père ». Entre-temps, il y aura un conte de Noël (en novembre) et un roman contemporain.
La dynastie Sardou
Le fondateur, Baptistin Hippolyte Sardou.Charpentier de marine à Toulon et mime amateur. C'est l'arrière-grand-père de Michel.
Le fils de Baptistin Hippolyte : Valentin Sardou (1868-1933). Entraîné par son père sur les planches. Mime puis « comique excentrique ». Il épouse Mlle Plantin, dite « Sardounette », danseuse et comédienne.
Leur fils, Fernand Sardou (1910-1976). Carrière brillante au cinéma, au théâtre et au music-hall. Il épouse Jacqueline Labbé (dite Jackie Rollin), danseuse puis comédienne.
Leur fils, Michel Sardou (né en 1947).
Les fils de Michel : Romain Sardou, romancier, et Davy Sardou, comédien.
Notons que le dramaturge Victorien Sardou, de l'Académie française (1831-1908), n'appartient pas à cette dynastie.
le lien
http://www.lepoint.fr/actualites-culture/u...ou/249/0/277134