L'écrivain Henri Troyat meurt à l'âge de 95 ans
L'écrivain français d'origine russe, prix Goncourt en 1938, était le doyen de l'Académie française.
Forcené de la plume, Henri Troyat était connu pour ses biographies de classiques russes et français et était l'auteur de plus de 100 livres, écrits, sa vie durant, avec une régularité de métronome.
"Je suis un malade d'écriture, absolument hors de la vie", admettait cette "bête" d'édition qui, pendant des décennies, a écrit avec succès un roman et une biographie chaque année. En 1994, un sondage de la Sofres en faisait l'écrivain préféré des Français.
"On n'est pas au théâtre, où l'on peut légitimement faire la fête après la centième d'une pièce. Je ne tire aucune satisfaction de ce chiffre", disait-il en 2003 à l'occasion de la sortie de "L'éternel contretemps", un recueil de nouvelles.
Depuis, il avait écrit trois ouvrages en 2004, un en 2005 sur Alexandre Dumas et un ultime roman, "La traque", en 2006, selon sa bibliographie publiée par le site internet de l'Académie française.
Attaché au réalisme du XIXè siècle, Henri Troyat, très connu à l'étranger, était le plus ancien membre de l'Académie, où il avait été élu en 1959, et le doyen des lauréats du Goncourt, qu'il avait obtenu en 1938, pour "L'Araigne".
Fils d'un commerçant, Léon Aslanovitch Tarassov naît le 1er novembre 1911 à Moscou. Au lendemain de la révolution de 1917, sa famille doit s'expatrier. Après un long voyage, elle arrive en France en 1920.
Il étudie au lycée Pasteur à Neuilly, se passionne pour la littérature. Licencié en droit, naturalisé français, il devient rédacteur à la Préfecture de la Seine en 1935 et publie la même année son premier roman "Faux jour", qui reçoit le prix populiste. Trois ans plus tard, le Goncourt lui est attribué. Le livre couronné se vend à plus de 100.000 exemplaires. Sa carrière est lancée.
Il décide que, jamais, il ne retournera dans sa patrie, préférant à la réalité ce qu'il appelle sa "Russie intérieure": "la neige est plus propre dans mes rêves", estimait-il.
Henri Troyat n'a jamais écrit qu'en français, édité surtout chez Flammarion. Mais sa terre natale lui a fourni une inépuisable source d'inspiration, notamment pour ses biographies des tsars (Ivan le Terrible, Catherine la Grande ou Nicolas Ier) et des classiques russes (Dostoïevski, Tolstoï, Gogol, Tchékhov, Tourgueniev etc.).
Il a également publié des biographies des grands auteurs français du XIXè siècle: Flaubert, Maupassant, Zola, Verlaine, Baudelaire ou Balzac.
Henri Troyat avait cependant l'ambition d'être, selon sa formule, "autre chose qu'un stéréotype d'écrivain franco-russe qui ne fait que des biographies et des histoires baignant dans la culture de ces deux pays".
Son oeuvre de fiction mêle des nouvelles, des récits psychologiques et des cycles romanesques qui ont souvent connu un vif succès : "Tant que la terre durera" (1947), "Les Semailles et les moissons" (1953), "La Lumière des Justes" (1959), "Les Eygletière" (1965), - deux sagas adaptées pour la télévision -, "Le Moscovite" (1974) et le cycle de Sylvie avec "Viou" (1980), "A demain Sylvie" (1986), "Le Troisième bonheur" (1987). Parmi ses romans, "La Neige en deuil" (1952) a été porté à l'écran et "Le Front dans les nuages" (1976) adapté à la télévision.
Veuf depuis 1997, Grand Croix de la Légion d'Honneur, lauréat de plusieurs autres prix, il avait publié ses souvenirs en 1976 : "Un si long chemin".
"J'ai beau être encouragé par ceux qui me louent, c'est à ceux qui m'accablent que je donne raison", écrivait ce colosse tendre et timide qui se cachait derrière de grosses lunettes d'écaille.
Il assurait n'avoir "jamais cédé aux modes commerciales : celles de l'érotisme, du nouveau roman ou de l'autofiction. Si elles amusent mes confrères, tant mieux. Mais moi, je m'en tiens éloigné. Le romancier doit s'effacer derrière ses personnages. Il doit leur donner naissance et disparaître immédiatement après".
En 2003, il avait été condamné pour "contrefaçon" dans la biographie de "Juliette Drouet", la maîtresse de Victor Hugo, qu'il avait publiée en 1997.