Paris-Roubaix :
bon courage chez les Chtis
Jean-Julien Ezvan
11/04/2008 |
Des coureurs de la CSC en reconnaissance sur un secteur pavé. Avec ses 52,8 kilomètres de pavés, la 106e édition de l'épreuve légendaire traversera vingt-huit secteurs s'enchaînant à vive allure. Crédits photo : AP
L'odyssée dessinée par la «Reine des classiques» s'étirera dimanche sur un tapis violent dégageant fascination, magie et lueur d'espoir au regard du début de saison.Une journée particulière. Unique, Paris-Roubaix se répète dans les estaminets, puis se vit, pro­cession païenne, sur le bord de la route. Le cœur battant, enfermé dans un épais nuage de poussière ou, au gré des caprices de la météorologie, les pieds dans la boue (la pluie et le vent sont annoncés de­main). En toute convivialité. Loin des querelles intestines vécues au sommet du cyclisme mondial (la course, simple parenthèse, s'installe dans le calendrier mondial). Loin des affaires récurrentes de dopage, mal qui, à l'image de la rouille, ronge avec appétit la ­vi­si­bilité et la crédibilité, ne cesse d'em­poisonner l'actualité d'une discipline en sursis.
Paris-Roubaix, indémodable, reine sans rides du haut de ses 112 ans, se plante comme un re­père. Immuable. Un phare dans la tempête. À l'ombre de ce monument, en ce début de printemps frisquet, perce un bourgeon, quand à la lueur des résultats ne brille plus l'éclat d'une hégémonie aux relents douteux. Un espoir couvé mais ­fragile car trop souvent malmené, piétiné ces dernières saisons. Au bout du voyage hors du temps, rituelle, la clameur s'arrachera des entrailles du vélodrome de Roubaix pour enrober, comme chaque an­née dans les vivats, l'en­semble des valeureux acteurs de Paris-Roubaix, «la dure des dures» comme le vantent les affiches de la 106e édition. Bon courage chez les Chtis.
Éviter la chuteCarnet de route. Après la sortie de Troisvilles, un étroit virage à gauche à 160 kilomètres de l'ar­rivée jette le peloton dans une autre dimension. Un boyau usé, ré­veillé pour avaler une meute agressive mue par une obsession depuis de longs kilomètres : se placer, conserver vitesse et équilibre en vue d'éviter la chute. Premiers des 52,8 kilomètres de pavés jonchant la fin d'une épreuve archaïque. Vingt-huit secteurs dessinés dans des sentes oubliées, des trouées, se succèdent à vive allure pour mener la vie dure aux organismes, avant-bras, dos, jambes recevant par la répétition des secousses de véritables coups de bâtons.
L'enchaînement, l'enchevêtrement, s'effectue en apnée. Sans autre repère que celui de l'interminable procession. «On a appelé cela “l'Enfer du Nord”, ce n'est pas l'image que l'on souhaitait donner. On désirait montrer des routes pavées, des parties difficiles qui pouvaient être empruntées, des efforts politiques ont été faits pour les rénover. Aujourd'hui, preuve de vitalité (120 m de pavés gagnés cette année), l e parcours n'est pas figé», résume Jean-François Pescheux, directeur des compétitions chez ASO.
Luc Monnet, maire de Templeuve et président du Comité de communes du pays de Pé­vèle, insiste sur la défense de ce patrimoine : «Onze communes du Comité sont traversées par la ­course . L'épreuve se joue là. Nous avons été les premiers, en 2001, à prendre conscience de la nécessité de défendre les pavés et d'en assurer la réfection. On veille à ce que les pavés soient carrossables, au­tant que possible, pour les cy­clistes et les cyclotouristes, car le reste de l'an­née, nous en accueil­lons des milliers.»
Incontournables favoris Course étendard de la région, l'épreuve ne s'offre qu'aux meil­leurs. Des spécialistes. Triés sur le volet après avoir bravé le vent et les frimas, joué depuis de longues années les équilibristes sur ce tapis de pierres inégales. Le Suisse ­Fa­bian Cancellara (Team CSC), le ­Belge Tom Boonen ( Quick-Step), l'Américain George Hincapie (High Road), le Norvégien Thor Hushovd (Crédit agricole) ou l'Espagnol Juan Antonio Flecha (Rabobank), rêvant de graver sur le pavé un premier patronyme espagnol à Roubaix (et succéder au premier Australien, Stuart O'Grady, couronné l'an passé), s'installent comme les incontournables favoris.
Parmi les Français, seul Fré­déric Guesdon (La Française des jeux), vainqueur en 1997, parvient à attirer un peu de curiosité sur son nom. Ardent défenseur d'une course atypique. En paraphrasant Miossec, tant que le cyclisme respire, il espère. Paris-Roubaix, le temps d'une échappée de printemps, lui offre ce souffle.
» VIDÉO INA - Bernard Hinault dans l'enfer du Nord en 1982
Paris-Roubaix (259,5 km), dimanche. Départ de Compiègne (place du Château) à 10 h 50. Arrivée à Roubaix (vélodrome) prévue vers 17 h 30. En direct sur France 2 à partir de 13 h 40, sur Eurosport à partir de 16 h 30.