Dans le rock et la chanson, le règne de la reprise iconoclaste
B. D.
04/02/2008 |
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Désormais, on enregistre les chansons des autres sans déférence excessive envers l'original. Exemples chez Cat Power, Étienne Daho ou Katerine...
La reprise à la papa a du plomb dans l'aile. Bien sûr, on entend toujours çà et là des hommages respectueux aux chers aînés, qui prennent soin de retrouver l'émotion originelle et de ne pas incommoder des ayants droit des grands disparus (voir les récents albums Pagny chante Brel, Chanson française par Michel Jonasz, Chansons françaises par Alain Barrière). Mais le temps n'est plus à la timidité : la reprise se joue aujourd'hui dans des couleurs fièrement personnelles, sans complexe. On change la mélodie, la tonalité, la structure, les paroles même de la chanson. La reprise n'est plus un petit autel attendri et sage, mais bien souvent une entreprise révisionniste. Une marque de sans-gêne ? C'est plus complexe. Comme pour Sylvie Vartan, qui rappelle qu'elle ne fut pas confite en dévotion devant ses propres 45 tours, il y a toujours un sens personnel aux grands voyages que l'on impose à certaines chansons. En effet, l'autoportrait est presque plus parlant en remodelant la chanson d'un autre qu'en se confessant soi-même à la première personne.
Symbole de ce nouvel âge, l'album Juxebox de Cat Power (double CD chez Matador). Le nouvel album de la chanteuse américaine fait entendre New York de Frank Sinatra, I Believe in You de Bob Dylan ou Lost Someone de James Brown dans des versions méconnaissables. Chan Marshall alias Cat Power avait déjà commis pareil forfait contre les bienséances en 2000 avec The Covers Record, dans lequel elle reprenait Satisfaction des Rolling Stones… en oubliant le refrain ! Mais cette fois-ci, ce n'est pas un disque bricolé à la maison sur un quatre-pistes, mais un album avec section de cuivres et arrangements soignés, qui manifeste avec insolence une inflexible indépendance artistique, à mille lieues de la déférence due aux grands modèles du passé.